Stress, burnout, fatigue, démotivation, ennui : les « risques psychosociaux » ont ouvert un domaine de recherche fécond sur le terrain du travail et de l’entreprise.
On parle même de « fatigue studies » dans le mensuel Sciences Humaines qui consacre un dossier à la motivation au travail. Philippe Zawieja, psychosociologue spécialiste de l’épuisement professionnel, explique que les phénomènes apparemment opposés du burnout lié au stress et du boreout lié à l’ennui de tâches dénuées de sens, trouvent leur dénominateur commun dans la fatigue, « que ce soit par sous-stimulation ou par surcharge ». La fatigue étant un vécu éminemment personnel, le chercheur en santé au travail à Mines-ParisTech plaide pour « une approche subjective et qualitative » contre la « tentation rationaliste, voire positiviste, d’absolument tout quantifier sur un sujet pareil ». D’autant que si les études sur le stress ou le burnout sont nombreuses, elles « ne sont pas facilement comparables ». D’où l’intérêt de l’approche des studies anglo-saxonnes, qui sont pluridisciplinaires. « Dire le travail » est le nom de la coopérative animée par Nathalie Bineau et Patrice Bride, et dont l’objectif est de mettre en lumière « le rapport subjectif que chacun entretient avec son travail ». Pour eux « s’exprimer sur le travail aide à prendre conscience de ses motivations ». Mais là est aussi le piège tendu par les « nouveaux codes du management ». Daniel Mercure analyse la montée en puissance de la DRH dans les entreprises : « De service fonctionnel voué à l’embauche et à la rémunération, elle est devenue l’un des pivots de la planification stratégique. » En particulier dans un contexte où celle-ci est commandée « par les exigences de rendement des actionnaires ».
Le salarié, « acteur assigné »
Flexibilité et polyvalence sont devenus les maîtres-mots de la « gestion en flux tendus ». Le sociologue décrit le passage du modèle fordiste de l’agent « mobilisé par des facteurs de motivation extrinsèques à la tâche : le salaire et les conditions de travail », à celui de « l’acteur assigné » qui développe « un lien étroit entre le développement personnel et celui de l’organisation », sur la base de « l’alignement des valeurs personnelles à la mission de l’entreprise ». S’il est vrai que certaines grandes entreprises, dans le domaine des technologies avancées ou de la communication, offrent à leur salariés une contrepartie à la flexibilité en termes de rémunération différenciée, d’avantages sociaux personnalisés, d’horaires et de localisations flexibles pour concilier la relation travail-vie privée, on sait que cela peut se traduire par une sujétion renforcée, et de nouvelles formes de contrôle très intrusives, dominées notamment par « l’autorité froide » des data control qui mesurent les performances : « la satisfaction du client, la mesure des coûts, le rendement, la qualité du service, les relations avec les collègues, l’évaluation des salariés à 360° (par les collègues, leurs supérieurs, les subordonnés et par soi-même) ». Des pratiques de mobilisation subjective au travail qui ont aussi pour effet de détourner chacun « des visées d’action collective des syndicats ».
« New management »
Dans Le Monde diplomatique … lire la suite sur le site et le podcast